Tout sauf Macron

Il y a cinq ans j’écrivais – cela -, le destinant principalement à mes amis de gauche.

Certains ont tenu bon (par eux même, je ne crois pas influencer un seul de mes cent lecteurs mais il me semble tout de même nécessaire de dire les choses qui vont tellement « sans dire » que peu prennent le temps de les dire), d’autres sont tombés dans le panneau et l’ont regretté au cours de ces cinq dernières années de saccage social, industriel, culturel, diplomatique…

Je pense que mes amis de gauche peuvent regarder en arrière et se dire que, de fait, ils auraient mieux fait de voter Le Pen. Parce que, privée de l’appui des media et de l’oligarchie (réalité qui n’est pas plus russe que française), elle n’eût pu imposer sa volonté par la force et étouffer (ou mutiler) toute résistance comme l’a fait la Macronie. Parce que ses ambitions étaient nettement moins anti-sociales. Parce que ni l’Assemblée ni le Sénat ne lui eussent été si entièrement acquis.

Vous avez dit que Macron élu, vous ne lui laisseriez nulle trêve, et vous l’avez fait : vous êtes descendus dans la rue, certains ont subi des gardes à vue qui les ont durablement traumatisés, d’autre ont été blessés et gardent des séquelles. Hélas Macron ne s’en porte pas moins bien.

Il me semble que la gauche a pris acte de ses erreurs et qu’elle est résolue au « tout sauf Macron ». C’est fort bien. Et cette fois c’est donc plus à mes amis du centre et de droite que je m’adresserai.

Aux centristes tout d’abord, que j’ai vus fort courroucés par la crise sanitaire et la responsabilité qui incombe au gouvernement Macron. En effet, la propagande n’a pas eu prise sur vous et vous savez bien que rien n’a été tenu par ce quarteron de sinistres girouettes, gesticulant, incapable de reconnaître son impuissance, s’en prenant au peuple avec la perversité du bourreau manipulateur : ordres, contre-ordres, hypocrisie, consignes pour le peuple, liberté pour l’appareil, incapable surtout de reconnaître sa faute : la ruine de l’hôpital public, le non remplacement du personnel, la fermeture des services. Inutile de revenir là dessus puisque personne n’est dupe : Macron n’a rien « géré », il n’a pas « manqué de chance, le pauvre, une pandémie puis une guerre », il a rendu possible le chaos épidémique par sa gestion catastrophique de la santé publique.

La guerre russo-ukrainienne, elle, nous plonge dans un chaos de perspectives apocalyptiques, dans une panique dangereuse pour raisonner froidement en termes de politique intérieure. La tentation est forte, en effet, de préférer un mal connu à une incertitude supplémentaire quand tout semble s’effondrer. « Better the devil you know » dirait la femme battue qui finit par croire que sa servitude est le prix de sa stabilité et de celle de ses enfants, ou le prisonnier qui croit que ses ravisseurs prendront soin de lui, que maintenant des liens se sont tissés… On pourrait être tenté de minimiser la psychopathologie de celui qui a « bien envie d’emmerder » les quelques millions de Français réfractaires à ses ordonnances, celui qui les met au défi de « venir le chercher » en se disant que ça n’est peut-être pas le moment que la France vire communiste avec Mélenchon, pompidolienne avec Zemmour, radsoc avec Le Pen. Pour Pécresse, si vous êtes centristes, c’est plutôt votre candidate, mais si d’aventure elle n’était pas au second tour préparez-vous à voter avec une certaine appréhension, un certain sens du risque (que certes la situation ne favorise pas, courage à vous !). Rappelez-vous que Macron ne contrôle rien, et surtout pas la diplomatie où ils se fait pitoyablement promener par Poutine qui s’amuse de ses « très sérieuses et longues conversations téléphoniques » comme un chat avec un un souriceau et les tient pour absolument nulles dans ses actions et déclarations du même jour. Ou abstenez vous.

Aux droitards, enfin, et autres fafounets, c’est bien simple : tout _ sauf _ Macron.

Mais cela n’est pas si évident car, de même qu’il se pourrait, au grand dam de nos amis centristes, que Pécresse ne soit pas au second tour, de même l’absence de Le Pen ou de Zemmour est envisageable. Il faut donc se préparer, éventuellement, à voter Mélenchon ou Pécresse. Ça ne sera pas agréable, ça va même picoter dur. Mais si c’est le cas soyez prêts à faire ce que vous demandiez à la gauche il y a cinq ans : ne tombez pas à votre tour dans le piège macroniste. Mélenchon vaut mieux que Macron car à folie et maçonnerie égales il semble faire preuve d’un poil plus de dignité* et, du haut de son considérable patrimoine, d’un peu plus de considération* pour le peuple (dans tous les sens du terme sauf celui d’ethnos _ et c’est bien là qu’est l’os, hélas) [*ou rien de tout cela mais au moins il s’oppose au passeport sanitaire]. Pécresse n’a pour elle que de n’être pas Macron. C’est à dire que c’est exactement la même chose mais avec, en prime, une crotte de nez jetée à l’ego macronite, et ça, c’est toujours bon à prendre. Oui, nous en sommes là : tout ce qui vexe Macron, tout ce qui le rejette au néant dont il est le masque, est une bonne chose. A défaut d’avoir l’occasion de s’illustrer tel Damien Tarel en lui jetant un gant à la figure, ou une paume, on peut lui jeter Pécresse au visage.

Quant à choisir entre Le Pen ou Zemmour, ma foi, vous faites bien ce que vous voulez.

On peut cependant en toucher deux mots selon votre propre point de vue (celui, donc, des natio-patriotes) : la présence d’un candidat de trop est le plus beau cadeau fait à la gauche et un sabordage en règle du camp national qui ressemble fort à l’Assemblée entre 1871 et 1877. Alors que les forces sont favorables, la division en deux tendances les empêche de s’exprimer et prendre réellement le pouvoir. Et cependant, la présence du « candidat de trop » que semble être Zemmour a bien permis de rallier nombre de personnalités médiatiques par sympathie humaine ou religionnaire et passer outre l’estampille diabolique du nom « Le Pen ». Elle a aussi permis de radicaliser le débat et faire droit à des questions oubliées ou refoulées par Le Pen. Mais c’est justement un des problèmes de Zemmour (outre le fait que vouloir porter son patronyme à la tête du pays et son portrait dans les mairies _ les deux étant assez peu autochtones _ contredit légèrement son idéal identitaire) : son rôle est celui d’un orateur, d’un chroniqueur, à la rigueur d’un vizir qui conseille dans l’ombre ou d’un fou du roi qui dit ce que tous savent mais taisent, pas d’un souverain (rôle du président sous la 5ème). Hors de son brio oratoire (selon votre goût, non le mien) l’amateurisme est manifeste. Le problème est qu’il est également manifeste du côté Le Pen qui, à mon avis, n’a jamais eu d’autre but que celui de voir un jour une lueur de fierté s’allumer dans l’œil (le bon) de son paternel. Même l’éviction de ce dernier va dans ce sens : elle veut réussir seule, comme un homme, comme le capitaine (d’un bateau vert et blanc?) pour montrer à papa qu’elle peut y arriver et porter le parti au pouvoir, qu’elle est digne de son nom et de son héritage. C’est assez touchant, en soi, mais est-ce que la France et son destin doivent être des objets transitionnels dans le psychodrame familial des Le Pen ? Rien n’est moins sûr. Cependant l’amateurisme doit-il être un défaut ? La stabilité des hauts fonctionnaires ne le pallie-t-elle pas ? Le piège n’est-il pas précisément de laisser le gouvernement aux « professionnels de la gouvernance » ?

Je ne suis pas ici pour répondre à ces questions, ni pour pousser dans un sens ou l’autre, une seule chose est claire et limpide et doit tous nous guider, de droite, de centre, de gauche :

TOUT SAUF MACRON.

Pour ma part rien n’est encore arrêté. D’ici le premier tour des alliances peuvent encore se former, de évènements survenir… Qui sait, Macron pourrait-il ne même pas être au second tour ? Aussi improbable qu’un cygne noir.

Mais si le cygne est blanc, eh bien je voterai comme se doit : pour Mélenchon, pour Pécresse, pour Le Pen ou pour Zemmour (ou allez savoir, pour Dupont-Aignan qui aura rassemblé les deux précédents derrière lui, personne ne l’aurait vu venir, ou pour Arthaud, ce qui m’amuserait sensiblement plus que la Merluche, ou pour ce brave coco de Roussel). Mais je cracherai un bulletin non nul, non blanc, dans l’urne, comme un bon gros glaviot, bien mérité, sur la trogne à micron.

2 commentaires

    • C’est vrai que choisir le nouveau masque de Mammon n’est pas le truc le plus passionant à faire un dimanche aprem. En imaginant un relooking démoniaque avec une succube folle à grosses boucles d’oreilles disant « Mon chériiiiii tou ay magnifaïque comme ça en blonde, sinon tou a l’option goblin, plous traditionelle » ça peut être marrant cependant.

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