Parvissima : Quiétude johannique.

Une chose m’agace régulièrement avec les saints missionnés et Jeanne d’Arc en particulier, c’est qu’il ne me semble pas si difficile d’avoir du courage et de s’élancer avec fougue à quelque assaut quand on a bénéficié d’un miracle son et lumière pour nous expliquer précisément la marche à suivre vers le Salut. Qu’il s’agisse de bouter ou de se convertir, les errements du libre arbitre sont assez minimes quand le divin lui-même prend la peine de vous dire « Dans 500 mètres, tournez à droite et poursuivez vers Damas/Vaucouleurs/Cielo Drive ».

Ne nous méprenons pas : la Vierge Guerrière de la Maison d’Arc a été, est encore, comme il se doit, la référence hagiographique de toute chrétienne énervée avec un goût pour les rangers et la baston. Mais si jadis je méprisais les représentations de la Jeanne bergère, il me semble désormais que s’il y a dans sa vita chose admirable et imitable c’est précisément sa vie « avant »: cette foi, cette humilité, cette ardeur muette et quotidienne qui l’ont rendue digne de débloquer le mode « miracle et GPS divin » sans la moindre quête. Dans une Queste, celle del Saint Graal par exemple, on cherche, on erre, on se trompe, on se fait enchanter, on n’ose pas poser des questions comme un gros niais, bref, on ne sait pas du tout où on va, c’est l’aventure. La geste johannique, elle, n’a rien d’une aventure, c’est une mission, et qui plus est préparée et pensée par le meilleur stratège possible. Aucune décision à prendre, il faut se contenter de suivre. Pardonnez ma témérité mais #izy !

Et c’est évidemment cette figure que la droite catho bien satisfaite de ses petites formules péremptoires nous agite sous le nez, y voyant une foule d’exempla pour le monde moderne (celui-là même contre lequel on est priés de se révolter sur les réseaux sociaux), que la petite droite catho sémillante, bien pomponnée derrière son petit micro, bien serrée dans son petit chino, tend à un éparpillement (qui n’est plus peuple) de personnes paniquées, qui se voient de plus en plus devenir des individus, qui ne savent rien, qui n’ont ni direction, ni route, ni même début de chemin (alors ne parlons pas de voix) qui ne peuvent que constater, à droite, à gauche, au centre et tout autour que tout va terriblement mal, que rien ne va, d’ailleurs, ou plutôt ne fait qu’aller, à la selle, et se déverser en flots diarhéiques sur quelques ruines nostalgiques, que la politique est une farce plus sinistre que le Vatican des Borgias, l’art en moins.
Personne ne sait que faire : la métapolitique ? l’action directe ? les émeutes ? cultiver son jardin, sa ZAD, sa BAD ? conquérir le pouvoir ? poiein, et encore poiein, oeuvres ou enfants? L’Angoisse et le Noir sont partout.

Alors non, elles ne nous apprennent rien, ces figures de saints-à-visions, de saints-à-missions, parce que l’action serait tellement facile si on avait le moindre plan, le moindre indice providentiel quant à la voie du Salut.
Non, vos sermons bien proprets, bien maîtrisés de curé grassouillet dans sa chaire à dentelles ne disent rien que votre propre aveuglement, ou votre propre crispation à la rembarde du Titanic (1).
Ce ne sont pas les saints à missions qui ont quelque chose à nous dire dans ces temps de Nuit Obscure, ce sont les saints du doute, de la recherche aveugle, du hurlement de profundis, qui tiennent leur âme en enfer et ne désespèrent pas.
C’est peut-être Job.

Qu’elles sont grotesques ces quiétudes johanniques qui s’étalent sur papier glacé ou dans les cocktails du Sud-Ouest parisien, grotesques comme les révoltes pixellisées contre le monde moderne, grotesques comme les surhommes d’Instagram et du brushing sur polo, grotesques comme les punchlines twitterines, grotesques comme les dissections analytiques du sexe à coups de chiffres, grotesques comme toute vidéo de plus de 10min sur Youtube, grotesques comme les pantins frénétiques qui se servent de leurs niches idéologiques pour « percer » sans assumer leur seul désir : la cyberfame, grotesques comme le rap catho, grotesques comme les croisades sur discord, grotesques comme ce blog (-> qui n’a jamais qu’UNE chose à dire <- ), grotesques comme toute affirmation repue face à CE qui n’est qu’une interrogation jamais résolue, grotesques comme tout discours face au défaut de l’action.

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La « tradwave », parce que les idéaux ne sont qu’un moyen comme un autre de percer sur twittagram. Chacun sa niche, chacun son combat, meme, punchline, petite formule bien balancée, même bouillie : l’affirmation confortable des certitudes trendy.

[et on ne rit pas trop, les germano-hellènes, sinon je m’attaque à el famoso « ce qui sauve », qu’on ne voit pas des masses croître #OnAttendraGodo]

(1) Le prêche mythopêchu qu’on attendait tous :
« Frères, soeurs, amis et camarades, puisque nous sommes ici rassemblés sur les derniers 10m carrés de parquet du Titanic, et que, dans son admirable stoïcisme (ta stoa trekei), le trombonne de la fanfare éructe son ultime glouglou, observons l’exemplum coruscant que nous offre la vita de saint Pedraton. Car c’est par l’adversité que se cultive la ténacité dans le regard d’Aurore (grecque, natürlich) de la Petite Fille Espérance sur les épaules des géants que, par la sueur de nos fronts et de l’iceberg, nous voici capables, occasion inespérée, d’envisager à sa pleine mesure. Mesure sublime, longinienne même, qui doit nous rappeler que nous sommes bien peu de choses, allez, comme dirait l’Ecclesiaste, si nous ne sommes ce roseau pensant dont on fait les pipeaux, car respirer sous l’eau s’apprend, la glace ne se fractionne pas mais fond et se répend (comme la fleur en bouquet fane), la charité chrétienne n’empêche pas la fermeté dans l’instinct de survie et l’attachement à la planche rouillée n’exige pas immédiatement un rappel du tétanos. Et que seront ces clous si j’avais un marteau, ooohooooh, et que, pour mieux philosopher, je le brandisse face aux idoles de l’Everest, idoles kshatrio-shivaïques qui ne peuvent que reconnaître le signe de Thor, leur cousin, après-tout, surtout s’il a un polo FredPé ? Oui, je vous le demande ! Car même lorsque nous sombrons, ce qui doit croître croîtra, il suffit de croire et de maintenir en nous le Feu de l’Esprit et que cela nous rassure en surfant le Kali Yuga car elle est froide quand on y entre, mais quand on est dedans, ça va, elle est bonne. Bref, comme disait le saint hiéromoine stylite Pedraton, tant qu’il y a du Logos, il y a de l’espoir, et ça, du logos, je vais vous en chier une palanquée que même le port de Marseille, jamais il n’en vit de si grosse. »

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