Cet été, le Palais Galliera a présenté au public sa suite espagnole (qu’il a nommé « saison » car il s’agit de mode et non de musique) hors les murs.
Le premier volet en fut l’exposition Balenciaga au musée Bourdelle, que je n’ai hélas découverte que la veille de sa clôture. Il serait donc vain et d’assez mauvais goût de faire ici l’éloge des extraordinaires jeux d’ombre dont le sous-titre « l’ouvre au noir » disait assez bien la magie mais dont on ne peut plus admirer l’austère grandeur et la sombre puissance. Quelques images seront plus éloquentes pour exprimer le génie scénographique d’Olivier Saillard et Véronique Belloir.
Quant à moi, bouleversée par la profondeur de ces noirs et la noblesse de ces formes, je commis, une fois rentrée, une erreur qui me brisa le cœur : je cherchai « Balenciaga » sur un moteur de recherches. Sic transit.
Le deuxième pan est, lui, accessible jusqu’au 24 septembre. Il s’agit de l’exposition Costumes espagnols entre ombre et lumière à la maison de Victor Hugo qui présente des costumes traditionnels du XIXème siècle ainsi que les photographies de José Ortiz Echagüe datant pour la plupart des années 1920-1930. Il y est moins question d’esthétique pure que d’ethnologie, aussi la présentation est-elle plus classique, plus objective.
L’amateur de traditions européennes y reconnaîtra certains motifs et silhouettes présents également en Europe centrale et dans les Balkans ainsi que de nombreuses survivances païennes méditerranéennes. L’amateur d’histoire espagnole reconnaîtra parfois, dans les lourdes croix pectorales, des souvenirs wisigoths. L’amateur de grâce féminine et de liberté y déplorera les ravages de l’islamisation, spectre hideux dont l’ombre persiste, de nombreux siècles après son exorcisme, sur les photographies de femmes de Cadix (dont on ne sait que ce sont des femmes que grâce à la légende).
Les autres portraits, cependant, présentent une Espagne tellement attendue, si parfaitement espagnole, avec ses fières cavalières, ses rudes et puissantes matriarches, ses hommes minces et farouches, ses beautés sombres aux yeux hardis qu’on se demande parfois si tout ce monde ne joue pas à l’Espagnol. On ne saurait oublier l’invention ou du moins la fixation de certains régionalismes et nationalismes au XIXème siècle avec le grand mouvement folkloriste qui traverse l’Europe et fait qu’aujourd’hui l’esthétique dite traditionnelle d’un peuple se réduit souvent à son aspect dix-neuviémiste. Et pourtant… le caractère ombrageux, la fierté, l’extrémisme d’esprits voués tout entiers aux passions contraires… ces tropes hispaniques ne datent pas du XIXème.
Distinguer performance et essence, cliché et tendance lourde, folklore et atavisme est non seulement malaisé mais surtout, en une heure de visite, complètement vain. Reste que c’est assez amusant, surtout pour qui se reconnaît dans ces portraits espagnols comme dans un lointain miroir.
Le troisième et ultime volet de la Saison sera un retour au Palais Galliera, pour une exposition consacrée à Mariano Fortuny à partir du 4 octobre.
Informations pratiques :
jusqu’au 24 septembre
6 place des Vosges, 75004 Paris
du mardi au dimanche, de 10h à 18h
